mardi 22 mars 2011

Un roman épistolaire

Comment peut-on être français ?
Chahdortt Djavann
2006 – 314 pages
Roman épistolaire

Un livre fascinant tant par son propos que par sa structure. Il s’agit d’un roman qui reprend la forme des Lettres persanes que Montesquieu publia, anonymement, en 1721 à Amsterdam.

À l’image des personnages du célèbre philosophe, Roxanne, une jeune iranienne, débarque à Paris où depuis toujours, elle rêve de vivre. Son combat pour apprendre la langue française sert à la fois de prétexte et de trame à l’auteure pour dépeindre le difficile passage aux valeurs occidentales et le rude parcours de l’intégration.  Elle souligne surtout, et de belle façon, le lien complexe entre la géographie et l’identité, s’interrogeant à savoir si le pays est un lieu physique ou un espace mental.

Après son arrivée en France, pour pallier sa solitude et parfaire l’écriture du français, Roxanne entreprend d’écrire de nombreuses lettres à Montesquieu. Elle y raconte son enfance, la société iranienne, son goût de liberté, les embûches posées par cette nouvelle langue hérissée de mille difficultés, ses envies et ses rêves. Mais, en filigrane de toutes ces lettres, elle pose toujours la même question : comment peut-on être français ? Y cherche-t-elle la réponse dans l’absolue maîtrise de cette langue ? Y trouvera-t-elle aussi la marque de son agrégation à la société française ?

Il s’agit presque d’un conte. Le réel et l’imaginaire s’y confondent. Le ton, parfois doux amer, passe de la colère à l’humour, de la déception à la fantaisie sur un fond d’espoir persistant. Un conte érudit par moment, la qualité de son écriture et ses références pointues à Pascal, Montaigne, Racine et bien autres, démontrent la rigueur de son apprentissage.

À l’instar de l’héroïne de son roman, l’auteure a appris le français sur le tard, passé la vingtaine, mais en a fait l’outil principal de sa contribution à la littérature. Une littérature très actuelle, très sartrienne, comme en fait foi son engagement social et politique à l’encontre des dogmatismes religieux, celui de l’islam en tête. Elle approche la mi-quarantaine et vit à Paris depuis 1993, permettez-vous donc de croire qu’il s’agit d’une oeuvre largement autobiographique.

Sans attentes quand j’ai posé la main sur ce bouquin, je l’ai terminé enchanté par son propos, sa prose et sa forme.

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