mardi 22 février 2011

La fleur dans le fumier

Women
Charles Bukowski
Éditions Grasset
1978 – 323 pages
Roman

Voilà un moment, j’ai fait connaissance avec Bukowski, Charles de son petit nom, le vieux dégueulasse comme il se qualifie lui-même. Elle pourrait être choquante cette histoire d’un écrivain alcoolique et quinquagénaire qui, profitant d’une célébrité tardive, comble frénétiquement le désert sexuel de ses décennies précédentes. Mais, elle n’est qu’envoûtante finalement.

Largement autobiographique, ce livre nous entraîne de force dans les arcanes de la déchéance humaine et du détritus urbain. Un bouquin où l’éructation, l’éjaculation, le vomi tiennent lieu de prose; le cul et l’alcool de scénario. J’ai tout de même traversé cette mer de mots putrides d’un seul élan, absolument incapable de poser ce bouquin avant sa dernière page.

[...] - Je t'invite dehors pour le petit-déjeuner, j'ai dit.


- D'accord, a répondu Mercedes. Au fait, on a baisé, hier soir ?


- Nom de Dieu ! Tu ne te souviens pas ? On a bien dû baiser pendant cinquante minutes !

Je ne parvenais pas à y croire. Mercedes ne semblait pas convaincue.

On est allé au coin de la rue. J'ai commandé des oeufs au bacon avec du café et des toasts. Mercedes a commandé une crêpe au jambon et du café. La serveuse a apporté la commande. J'ai attaqué mes oeufs. Mercedes a versé du sirop sur sa crêpe.

Tu as raison, elle a dit, on a dû baiser. Je sens ton sperme dégouliner le long de ma jambe.


Fasciné par la totale impudeur du propos, l’absence de tout amour-propre, ou alors la capacité de Bukowski à tout écrire, l’inexprimable comme l’impensable, peut-être ? Captif assurément d’une plume diaboliquement habile à retenir et relancer sans cesse l’intérêt, pas de longueurs, pas de temps mort, une rythmique implacable, une musique infernale. Intrigué aussi par ces réflexions saisissantes qui émergent, de façon surprenante, de ce délire alcoolique.

C’est en refermant le livre que la métaphore de la fleur poussant dans le fumier m’est revenue à l’esprit. En réalité, je venais d’assister à une transfiguration de l’absolue laideur en une poésie bancale et une beauté fielleuse, néanmoins magistrales.

4 commentaires:

  1. Petite question de fouineuse : Est-ce que vous l'avez lu ou pas "La notaire" de Patrick Nicol ? Parce que je vous ferai remarquer que ce roman est dans votre colonne "Je veux lire" et "Déjà fait".

    :-)

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  2. Wow! Comment avez-vous découvert ça ? :-)))

    Si je me souviens bien, je ne l'ai pas lu au complet. J'ai commencé à le lire mais j'ai dû le rapporter à la bibliothèque, prévoyant le reprendre à la première occasion... et elle n'est pas encore venue on dirait.

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  3. Ah bon ?! J'ai scruté vos lectures à la loupe québécoise. J'ai soupesé votre valeur d'homme à vos lectures ... hi hi, je blague bien sûr ! N'empêche que, dis-moi ce que tu lis, je te dirais ...

    J'ai aimé La Notaire. J'ai bien peur que si l'occasion se représente à vous de le lire au complet, vous devrez recommencer à zéro. Mais ce livre est une plaquette, ce qui me fait dire que vous ne l'avez pas terminé parce que vous ne l'aimiez pas assez. Ne pas le terminer et ne pas se souvenir de l'histoire, ça regarde mal.

    Mon diagnostic de vos lectures ; quand vous aimez quelqu'un, vous aimez profondément !

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  4. J'ai eu une surprise en préparant cette liste, je ne croyais pas avoir lu tant de littérature américaine...

    Quant au diagnostic, je lis comme je vis ;-)

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