mercredi 18 mai 2011

Perplexe mais content

Trois jours chez ma mère
François Weyergans
Éditeur : Grasset
2005 – 263 pages
Roman

Il est de ces livres qui me rendent perplexe.

Certains, préalablement, car couronnés d’un prix littéraire, fut-il le Goncourt. D’habitude, j’attends avant d’y plonger, le cas échéant, que le bruit de leur publication et de leur consécration se soit éteint depuis un moment.

D’autres, ultérieurement, leur lecture m’ayant laissé dubitatif ou agacé et néanmoins content.

Celui-ci, approché avec circonspection, lu par séquence, détesté par moment, porte les deux chapeaux.

Un auteur en manque d’inspiration s’accroche à l’histoire déjà usée du plumitif à court d’imagination qui s’enfonce lentement dans la dèche. Prenant comme prétexte la culpabilité de ses visites rarissimes à sa vieille mère, en Haute-Provence, il tente de régler le cas de ce passé qui, finalement, occupe tout son présent.

S’il ne renouvelle pas le sujet, Weyergans étonne par la manière dont il distille, morcèle sa trame narrative en utilisant le concept des poupées russes. Il raconte l'histoire d'un écrivain qui raconte l'histoire d'un écrivain qui raconte l'histoire d'un écrivain… On passe ainsi de Weyergans à Weyergraf à Weyerstein à Graffenberg… Comme pour se distancer d’un truc qui lui appartient peut-être… ou pas ?

S’il s’agit d’un mécanisme de protection, il abuse du procédé, jusqu’à le rendre littérairement fallacieux, à mon avis. Cependant, je dois lui en reconnaître la parfaite maîtrise, ainsi qu’une plume virtuose, quoique j’ai parfois cherché le fil principal du récit.

Cet ouvrage gigogne cache-t-il un journal intime déguisé en roman ? Sinon, il eût mieux valu alléger le stratagème pour enrichir la substance. Si oui, il propose, en guise de structure littéraire, une démonstration magistrale de l'art de tourner narcissiquement autour du pot. Car, inévitablement, cette œuvre incite à identifier dans quelle mesure l'auteur est … gans… graf… stein... ou berg.

Weyergans peut bien, dans le texte, prétendre son bouquin nullement autobiographique, il n’en sème pas moins des phrases du genre « ... l'écriture de ce roman lui faisait prendre conscience de la distance infinie qui le séparait de lui-même. Il n'en était pas à son premier roman. Il aurait dû savoir qu'il est encore plus difficile de parler de ce qu'on connaît bien que du reste ». Il pousse le bouchon encore plus loin en évoquant un futur roman avec une roche volcanique comme sujet, rigolant d’avance que, malgré l'improbabilité de la chose, le lecteur croira tout de même que lui et la pierre ne font qu’un.

L'auteur jouit assurément d'une vaste culture. Les citations et références tapissent son livre d'un bout à l'autre avec un certain bonheur. Mais, le name dropping de ceux qui ont alimenté sa réflexion frise l'inutile étalage mondain. De même, Weyergans digresse considérablement dans le sexe, pas l’érotique qui titille, mais dans une litanie de succès féminins aussi improbables que sans reliefs et d’une valeur ajoutée plutôt relative.

Enfin, je retiens l’ironie amère qu’il exprime parfois : « Pourquoi faut-il que la vie s'arrête juste avant notre enterrement, une des rares occasions de succès qui nous soit garantie ? »

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