dimanche 14 novembre 2010

Un philosophe plutôt incisif

Le souci des plaisirs : construction d’une érotique solaire
Michel Onfray
Éditions Flammarion
2008 – 191 pages

Lorsque j’ouvre le bouquin d’un philosophe, je m’attends à un ton, à un propos, à une manière... philosophique. Surprise ! Je ne connaissais pas Onfray, son ton pamphlétaire, ses arguments vigoureux et sa plume mordante... qui eurent tôt fait de me captiver, cependant.

« À partir de la fable d’un Fils de Dieu incarné en Fils de l’Homme, un mythe nommé Jésus sert de premier modèle à l’imitation : un corps qui ne boit pas, ne mange pas, ne rit pas, n’a pas de sexualité... », Onfray soutient que le nihilisme chrétien mutile, réduit et dégrade le corps et le confine dans une copulation exclusivement reproductrice; à l'inverse, la spiritualité indienne le célèbre, le construit, le magnifie et l’invite à participer à une culture sexuelle humanisante.

Les coupables de la chose : saint Paul, saint Augustin et saint Thomas d’Aquin, piliers de cet édifice judéo-chrétien qui nous a « fabriqué un corps déplorable et une sexualité catastrophique ». En particulier Paul de Tarse, qui, impuissant probable, élabora une théologie de l’éros fondée sur le refus de la chair et marquée du signe de Thanatos, la pulsion de mort, où « le modèle de jouissance devient le martyr qui jubile de souffrir et de mourir », plutôt qu’une sexualité exaltée et éclairée par Éros, la pulsion de vie.

Il affirme qu’encore aujourd’hui, en Occident, l’imprégnation religieuse est telle que même les athées et les agnostiques n’y échappent pas puisque toutes les activités humaines, la politique, la pédagogie, la médecine, la justice et la sexualité, etc., demeurent structurellement marquées par la religion. Et ce, depuis la conversion au christianisme de Constantin (début du IVe siècle), et celle de son empire européen, qui voit dans ce monothéisme nouveau un puissant outil impérialiste (un seul Dieu, un seul empereur).

« ... le fond de toute religion : obéir, se soumettre, renoncer à soi, à l’intelligence, à la raison, se contenter d’être la chose de Dieu... Or, Ève refusa cette situation pour lui préférer l’inverse... » La perte du paradis, voilà comment à partir d’une autre mythologie s’instituèrent religieusement, prétend-il, la haine des femmes et leur mise à l’écart systématique. Pourtant, du fond de sa Grèce antique, Pythagore pérorait déjà « Il y a un principe bon qui crée l'ordre, la lumière et l'homme. Il y a un principe mauvais qui crée le chaos, les ténèbres et la femme. »

« Les opposants du cinéma pornographique confondent la cause et l’effet : 
il ne génère pas la misère ou la violence sexuelle, il en est la signature, 
la manifestation, la preuve. Car l’industrie du porno se nourrit justement 
du corps chrétien, du nihilisme de sa chair, de la répression de sa sexualité, 
de la culpabilisation de son plaisir et plus globalement du 
discrédit jeté sur les femmes. »

Bien que j’aie apprécié ce livre, je trouve l’auteur polémiste à outrance et, si son propos intempestif contribue à l’intérêt de le lire, il induit un étrange climat intellectuel qui a excité et ravivé cette vieille colère qui m’habite depuis toujours sur ce sujet. Je suis conforté et c’est formidable, mais je m’attends à plus d'une telle lecture. En outre, Onfray tombe presque dans l’angélisme en opposant de façon si manichéenne l’érotique chrétien et l’érotique hindouiste. À l’en croire, le paradis terrestre est en Inde et le Kama-Sutra est la pratique quotidienne de tous ses habitants. J’aurais préféré un peu plus de nuances, même si fondamentalement je partage la plupart de ses constats.


Saint Paul ou Paul de Tarse (à l'origine Saül) est, pour les catholiques, une des figures principales du christianisme par le rôle qu'il a joué dans son expansion initiale et par son interprétation de l'enseignement de Jésus. D’abord un persécuteur des chrétiens, il invoqua une apparition mystique sur le chemin de Damas pour expliquer sa conversion.

2 commentaires:

  1. J'aime beaucoup Onfray. J'aime sa plume aussi. Il est si brillant ce bonhomme, c'est hallucinant.

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  2. J'en reparlerai d'ailleurs, car je suis à lire Le crépuscule d'une idole, sa charge contre le freudisme.

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